Malin il ne l’est pas, c’est vrai… Il revendique plutôt son droit à la naïveté. Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse de littérature où de chansons, cet homme là est vibrant d’émotions. Il faut avoir écouté ses chansons, lu « le Merblex », son premier roman et « a cappella », son autobiographie pour comprendre la sensibilité sur laquelle repose sa personnalité et ce qu’il a sous la peau.
Mathias Ollivier a connu une longue traversée du désert depuis ses succès des années 70’ sans toutefois se départir de sa foi et de son humour. Comme nous allons le voir, il porte en lui ce quelque chose d’unique qui fait de certains êtres de grands artistes.
Art-Access : Bonjour Mathias.
Mat — Bonjour…
Il y a longtemps qu’on ne vous plus entendu.
Mat — J’ai pourtant produit un album « Best Off » en 2022.
Art-Access : Best Off (qui s’écrit avec deux « f »), je le précise.
Mat — Oui et ça n’est pas une faute d’orthographe… Si je ne suis pas « best », je suis au moins off. Il y a tant de gens qui se prennent pour des « stars » qu’ils ne sont pas.
Art-Access : Si vous êtes OFF, peut-être est-ce parce que vous êtes resté fidèle à l’ADN de la chanson française, qui ne sacrifie rien aux modes… Ou parce que vous n’êtes pas franchement « au format » ?
Mat — P’tête ben qu’oui, p’tête ben que non… Quoi qu’il en soit formater tout ce qui bouge n’est qu’une manière déguisée de pratiquer la cencure.
Art-Access : Il n’empêche que vos œuvres sont d’actualité et qu’elles ont parfaitement leur place dans les « play listes » radios, alors pourquoi vous entend-on si peu ?
Mat — Je n’ai cependant jamais cessé d’écrire et de produire des enregistrements, je ne sais pas pourquoi je suis ostracisé depuis des années ; comme tout liégeois je suis têtu, alors. Mieux vaut prendre les choses du bon côté et me dire que l’on est constamment un débutant dans ce métier, qu’il est donc normal de constamment tout recommencer… Je suis habité d’un sentiment d’inachevé. C’est pourquoi lorsque j’ai un peu de moyens je produis des œuvres qui ont été écrites entre 1970 et 2000 et qui n’ont pas pris une ride. Lorsque le ciel vous a confié un talent, on n’a pas le droit d’abandonner, il faut persévérer.
Art-Access : Venons-en aux raisons de votre disparition du paysage médiatique… vous aviez pourtant bonne presse. Les journalistes disaient de vous que vous étiez « un acteur de chanson qu’il faut voir chanté », c’est pas mal. Alors pourquoi avez-vous claqué la porte du show business ?
Mat — J’ai claqué la porte du producteur qui m’enfermait dans un système mortifère, nuance. J’en étais au « valium » ; Je ne voulais pas finir comme Mike Brant. Je n’étais pas fait pour devenir un chanteur à paillettes ! Mais un auteur compositeur interprète apprécié pour la qualité de ses œuvres. Je ne faisais pas ce métier pour être une « star », ni pour l’argent ; je trouvais normal d’en vivre évidemment, mais là encore avec mes producteurs c’était pas la joie. Ils me manipulaient, me plumaient allègrement, ne me laissant que les yeux pour pleurer. C’était si grave que nous en somme venus aux mains ! J’en avais assez d’être un gibier de pub c’est pourquoi je me suis retiré du show biz pour travailler dans l’ombre afin de produire ce que je sais faire de mieux et d’authentique. Selon moi, il ne suffit pas de passer à la télé, d’être connu pour être un artiste. Beaucoup de médiocres se prennent pour des stars, mais que sont-ils ? Elles ? Il faut s’attacher à ce que les Grands nous ont enseigné pour mériter ce titre ! Personnellement j’aime donner au publique des chansons qui lui ressemble. Des chansons qui parlent des gens et parlent aux gens ! Des chansons qui élèvent la conscience, qui consolent quelque part. Tel est mon mobile. Je n’ai pas oublié les Grands qui furent mes modèles. Ils m’ont tiré vers le haut, vers le monde des Arts et des Lettres, moi fils de rien sorti de nulle part… Comme dit le grand Jacques. Je fais ce métier pour donner le meilleur de moi-même, pour aimer et être aimé.
Art-Access : De l’amour, vous n’en avez guère reçu, c’est certain. Dès le départ la vie n’a pas été facile pour vous. Parlez-moi de votre mère…
Mat — C’est une femme qui a fait de grandes choses durant la seconde guerre mondiale, elle était dans l’armée secrète et luttait contre le nazisme. Il faut lui accorder ça. C’est lorsque je suis né que tout a basculé en elle.
Elle me maltraitait physiquement et psychologiquement. Elle disait que j’étais de trop au monde. Qu’on ne m’attendait pas. Que je ne saurais jamais sourire, que je n’aurai jamais d’amis, que je l’empêchais de vivre la vie dont elle rêvait. Elle disait qu’elle allait m’égorger pendant mon sommeil, me menaçait de me crever un œil en brandissant un couteau. Il ne se passait pas un jour sans que je ne soi battu. Cela dura seize ans, jusqu’à ce que je puisse m’enfuir en m’enrôlant sur un cargo en partance pour l’Afrique. (Pour en savoir plus il faut lire mon premier roman : le Merblex).
Je m’en suis sorti grâce de fastidieuses introspections, grâce à la littérature et à mon ange gardien. Certains producteurs voulaient que j’utilise le drame de mon enfance et de mon adolescence comme faire valoir pour vendre des disques. J’ai toujours refusé. Si d’autres artistes ont tiré sur cette ficelle, je ne les juge pas. Chacun réagit selon la profondeur de ses blessures. Quoi qu’il en soit secoué comme je le fus, plutôt que de me détruire, mes blessures me rendirent fort et totalement clairvoyant. Quand j’ai dérôlé à Anvers, je suis monté à Paris avec mes chansons sous le bras. Je payais ma chambre d’hôtel en faisant la manche. Le reste du temps je tirais les sonnettes des producteurs.
Art-Access : Revenons au moment ou vous avez quitté ce producteur de la rue Jean Gougeon, qui vous escroquait ; puis vous avez signé avec Eddie Barclay je crois ?
Mat — Oui, un grand Monsieur Eddie Barclay. C’est grâce à Eddie que j’ai survécu un moment. Mais il ne parvint pas à m’imposer en radio. Les programmateurs refusaient de programmer mes chansons. Il me fallut quelques années pour reprendre du poil de la bête. (Pour en savoir plus il faut lire mon autobiographie : l’amour a cappella).
Art-Access : De quoi viviez-vous alors ?
Mat — Je me suis mis à la peinture. L’argent gagné sur mes chantiers servait à payer mes enregistrements. Je pus ainsi produire deux albums (Intemporel et Au seuil de 2000), et renouer avec un certain succès sur la bande fm.
Art-Access : C’est à cette époque que vous avez entamé une carrière littéraire je crois ? Et que vous vous êtes marié n’est-ce pas et que vous avez gouté au bonheur.
Mat — Je vois que vous êtes bien renseignée… J’ai publié une dizaine d’ouvrage et j’en ai un en préparation. (Une autobiographie : L’amour a cappella notamment – Un roman qui parle de mon enfance : Le Merblex – Un autre Roman : Les messes basses de Nicolas Flamel (qui fut pour ainsi dire mon psy) et une dystopie : 1985, pour ne citer que ceux-là. En décembre prochain : un nouveau roman « On se retrouve toujours au Luxembourg
Art-Access : Avez-vous des regrets ?
Mat — Non seulement des déceptions. J’aurais aimé avoir une famille et un peu plus de reconnaissance pour mon travail artistique.
Art-Access : Revenons à votre traversée du désert ou du tunnel, j’ai envie de dire « les deux » compte tenu de la gravité du drame que vous avez vécu… Parlez-moi de votre mariage ?
Mat — En 1992 j’ai rencontré une jeune femme délicieuse que j’ai épousée en 1993, elle s’appelait Caroline, je l’appelais Lolotte. Nous nous sommes rendus chez le prêtre de sa paroisse pour préparer cette célébration… Au terme de l’entretien, le prêtre qui nous reçut nous annonça tout de go : «
en mon âme et conscience, je ne peux consentir à cette union » ! J’étais en état de sidération. Je lui fit répéter… Il s’exécutât. Je lui demandai si cela était à cause de moi ? IL répondit que non ! Lorsque nous fûmes dans la rue, j’ai demandé à Caroline si elle comprenait quelque chose à cette histoire ? Elle me répondit que non… (C’est bien plus tard que je compris pourquoi le prêtre du 17ème avait réagit de cette manière). Je proposai à Lolotte de nous rendre à la synagogue, mais ça ne pouvait marcher vu que ses parents c’étaient des convertis au christianisme. Quant à moi, je suis un chrétien judaïsant, un circoncis du cœur mais cela ne suffit pas pour casser le verre… Qu’à cela ne tienne, nous nous rendîmes dans ma paroisse où le curé nous maria sans faire d’histoire. Une fois marié nous avons voyagé et vécu le bonheur durant prêt de quatre années.
Je me souviens de Rome, de Naples et Capri où je t’ai emmenée Lolotte… Je revois la baigneuse nue sur les rochers de l’île Sainte-Marguerite au large de Cannes c’était si bon, si beau, si doux… Et ces tournées en chansons partout en France sous le soleil… Ainsi Caroline fut heureuse durant quatre années au nez et à la barbe de celui qui a abusé d’elle et poussée au suicide… et envers et contre l’omerta que cultivaient ces frères !
En 1995, Lolotte attendait un bébé et mes affaires repartaient bien comme il faut. Ce fut une petite fille que nous avons appelé Morgane.
C’est juste après avoir accouché que ma femme perdit l’esprit (et le mot est faible) pour s’enfoncer dans des délires schizophréniques, comme si son accouchement avait tout déclenché. Après un bref retour à la vie familiale, Caroline passa de la maternité à la psychiatrie. Elle passât de HP en HP durant plus de deux ans ; elle finit par se suicider lors d’une autorisation de sortie en se défenestrant chez ses parents. C’est ainsi que je me retrouvai monoparentale, avec une enfant en bas âge sur les bras, contraint d’abandonner ma carrière artistique. Sans emploi et couvert de dettes j’eus droit au RMI. Il me fallut faire face à bien des problèmes, la totale… Mon obsession alors fut d’empêcher les assistantes sociales de placer d’office ma fille à la Ddass. Langer et biberonner n’est rien, mais endosser à la fois le rôle de père et de mère c’est autre chose. Les frères de Caroline ne vinrent jamais la réconforter lorsqu’elle était malade. Ils n’étaient pas davantage venus à la fête de notre mariage, mais ils étaient à l’enterrement. Quand le cercueil fut au fond de la fosse, ils sont tous parti en me laissant seul dans ce cimetière ! Ils voulaient, de toute évidence, me faire porter le chapeau… Personnellement j’avais la conscience tranquille, il n’y avait aucune raison pour que j’endosse la responsabilité du suicide de ma femme. Si j’avais été responsable de quoi que se soit les policiers qui menèrent l’enquête eurent tôt fait de s’en apercevoir. Ces hypocrites manipulateurs ne méritaient pas ma confiance. Pour toute réaction, je me contentais de faire le « dos rond » Je devais avant tout penser au bonheur de ma petite fille. Ils ont fait beaucoup de mal à sa maman. Ils l’ont poussée au suicide… C’est à cette époque que je compris pourquoi le prêtre à qui nous avions demandé de nous marier l’avait refusé. Ce prêtre était le confesseur de Caroline. Il en savait long sur les secrets de famille… Il savait qu’elle avait été agressée sexuellement. Il y avait décidément beaucoup de zone d’ombre dans cette famille… Caroline était peut-être introvertie et taiseuse, mais elle me parlait à moi ! Quand je lui demandais pourquoi elle était dans cet état, elle me répondait qu’on l’avait violée, sans révéler le nom de son violeur !
Après l’enterrement je découvris le dossier d’internements de Caroline dont j’ignorais tout avant notre mariage. Les parents ne m’en avaient pas parlé ! J’étais le « gendre idéal » parait-il…
Caroline avait effectué plusieurs séjours en psychiatrie avant de me connaître sans me dévoiler le nom de la personne qui avait abusé d’elle.
(26 ans plus tard en 2023 que je découvris le pot aux roses. J’ai revu le prêtre qui était le confesseur de Caroline décidé à briser l’omerta qui couvrait le suicide de ma femme…. Le prêtre se souvenait très bien d’elle... Après ça, j’eus une longue conversation avec un des frères de Caroline qui finit par confirmer qu’elle avait effectué plusieurs séjours en psychiatrie avant de me connaître et qu’elle avait déjà voulu se jeter par la fenêtre. Puis, il me dévoila le nom de la personne qui avait abusé d’elle, à savoir : son père ! (En savoir plus : demandez le PDF intitulé « Lolotte »).
Art-Access : J’imagine que cela vous mit en colère ?
Mat — Pour endiguer ma colère et la haine qui pourrait en découler j’utilise le frein de l’écriture. C’est un moyen efficace pour supporter le mal que l’on me fait. A propos de cette ignoble affaire, en novembre, j’ai produit un petit ouvrage intitulé « Lolotte », puis je suis passé à autre chose.
Art-Access : Vous publié un nouveau livre et un nouvel album je crois ?
Mat — Oui cet ouvrage s’intitule « on se retrouve toujours au Luxembourg » accompagné d’une chanson du même titre créée avec la complicité de ce grand musicien qu’est Léonard Raponi. Quant à l’album qui est en cours de production réuni les plus grandes et belles chansons que j’aie pu écrire, n’en déplaise à ceux qui m’ont souvent reproché d’écrire de « belles chansons », comme si cela était une faute.
Art-Access : Une dernière question… Pensez-vous que l’on puisse atteindre le statut de « légende » en étant rejeté ainsi que vous l’avez été durant votre vie ?
Mat — Je ne sais pas. Je n’y ai jamais pensé. Personnellement je crois qu’il faut persévérer pour gagner sa place dans le monde et y laisser une trace de son passage. Essentiellement, je pense qu’il faut défendre la liberté d’expression à laquelle chacun a droit. Je crois que le plus important d’une vie est ce qu’on laisse derrière soi et qu’il faut être utile aux autres.
Sur ce, je vous souhaite à toutes et à tous d’excellentes fêtes de fin d’année. (Mathias Ollivier)
Où TROUVER LES ŒUVRES DE MATHIAS ?
TITRES PARUS :
Ma maison de Vie – 1998 – Editions du Prieuré
La Nulture – 2005 – Editions le Manuscrit
Le Merblex – 2007 – Editions Demeter
Pas au format – 2008 – Editions le Manuscrit
Dominique nique nique – 2009 – Editions du Compas
L’Ere Deophile – Sept 2010 – Editions Art-Access
Les Messes Basses de Nicolas Flamel – Editions Art-Access
Le Merblex – ré édition 201 2– Editions Art-Access
L’amour a cappella – 2015 – Editions Art-Access
1985 – Dystopie – 2018 - Editions Art-Access
On se retrouve toujours au Luxembourg – décembre 2023 – Société des écrivains/Publibook.